« Je commence à comprendre le plaisir qu’éprouvent les vieux lorsqu’ils restent assis des heures sur un banc, sans rien faire, à l’ombre d’un platane, le regard au loin, silencieux, immobiles, les mains croisées », me disait François Mitterrand dans les derniers mois de sa vie. Lui, qui avait été si actif, comprenait les vertus du « non-agir ».
Ils ne font rien, mais ils sont.
Pour beaucoup de nos contemporains, le fait de ne rien faire est perçu comme un défaut ou une calamité, lorsque l’inaction est imposée. Rares sont ceux qui ont compris qu’en étant simplement là, assis, paisiblement, on goûte pleinement le présent, on a des chances « de percevoir ce qui lui en sa plus profonde intériorité, « quelque chose » qui l’effleure avec une extrême subtilité mais qui est rempli de cette qualité qu’on appelle le Numineux ». Ainsi Dürckheim tente-t-il de rendre compte de cette expérience du « non-agir », mais on sent bien combien il est difficile, tant il est ineffable, de faire comprendre aux agités que nous sommes le bonheur qu’on éprouve à être, tout simplement.
« Tout ce qui l’entoure est relié à l’Infini, et mystérieusement les vagues vont et viennent entre le vieil homme assis devant sa porte et le lointain qu’il contemple, que ce soit la mer, la plaine, la forêt, la montagne ou le ciel ; cela peut être aussi un grand arbre devant sa fenêtre ou le mur de sa chambre… et même l’obscurité de ses yeux éteints. Sa façon de regarder fait de ce qu’il voit une forme de l’Infini. De ce flux et reflux de l’Infini en lui, il tient sa Paix, une Paix rayonnante et parfaite, une Paix bénie. Est-il heureux ? Il n’y a pas de mot pour décrire cet état, pour décrire ce qui peut arriver alors, mais il y a, là où il est assis, « quelque chose » dont il éprouve la plénitude.
Marie de Hennezel
“La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller” pages 212-213